Guillaume PIGEARD de GURBERT, Contre la philosophie (Actes Sud, coll. « un endroit où aller »)
Par S. Robert • 23 avr, 2010 • Catégorie: Actualité, Publications signalées •« Où l’on voit que la philosophie passe sa vie à affronter ce qui la menace de mort »
On a pris l’habitude de se représenter la philosophie comme une activité intellectuelle : l’activité de réfléchir, d’analyser, de questionner, en un mot, l’activité de penser. Et, de là, on s’est mis à en attendre des diagnostics, voire des solutions pratiques, politiques, morales, éthiques, écologiques… Ce qui invalide cette image commune de la philosophie comme acte de penser, c’est qu’elle l’installe d’emblée dans le cercle de la puissance de penser, en passant sous silence le fond d’impuissance ou d’impossibilité de penser qui fonde toute philosophie et constitue comme la griffe de la philosophie. Or la philosophie n’est pas un cercle, qui est fermé par définition, mais une piste, qui est un cercle brisé, ouvert à un endroit, par où entre ce qui va contre la philosophie et qui la fait exister tout en l’exposant au risque de son inexistence.
Ce livre introduit une nouvelle figure : la philosophie comme art de la piste. S’il s’intitule Contre la philosophie, ce n’est donc pas par provocation, mais pour attirer l’attention sur le fait que la philosophie ne commence jamais par elle-même, ne se fonde pas sur une décision de la raison ni une simple action de pensée, et ne baigne pas dans l’élément du concept comme le poisson dans l’eau, mais se trouve tout au contraire d’abord en présence d’un dehors de la philosophie sans lequel celle-ci n’existe tout simplement pas.
« La philosophie naît de l’épreuve même de sa propre impossibilité. […] Faire l’économie de l’épreuve de son impossibilité, ce serait confondre la philosophie avec une paisible construction mentale, avec ses contraintes internes, mais délestée de toute adversité. Or, la pensée philosophique naît de cela qui lui arrive ou qu’elle rencontre et qui la laisse démunie. Pour en éprouver à son tour la radicalité philosophique, il faut la surprendre en train d’être défaite avant même d’avoir pu se faire, au lieu de s’installer confortablement dans la représentation inoffensive d’une philosophie toute faite. C’est bien l’objet de ce livre que de tenter d’appréhender la philosophie dans son fait, et non d’analyser sa représentation ni de décliner les attributs contenus dans son essence. »
Ce livre propose une tentative nouvelle de formulation de la question « Qu’est-ce que la philosophie ? ». En dialoguant avec les contemporains (Deleuze, Foucault, Heidegger, Wittgenstein…), G. Pigeard de Gurbert relit en particulier Descartes, Platon et Hegel, à la recherche de l’impensable qui, du dehors, les saisit et, en fin de parcours, dégage les enjeux de cette découverte de l’insu de la philosophie pour concevoir la politique. Un ouvrage philosophique original et profond dans lequel les professeurs trouveront éclairée leur pratique quotidienne : comment faire exister la philosophie.
Guillaume Pigeard de Gurbert est agrégé et docteur en philosophie. Il enseigne en classes préparatoires et terminales à Fort-de-France (Martinique).
S. Robert est professeur au Lycée Grandmont (Tours)
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