Philosophie

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Christophe BEAL, Hobbes, Ellipses, coll. « Pas à pas »

Par • 23 avr, 2010 • Catégorie: Actualité, Publications signalées

« Même si les références à l’auteur du Léviathan sont récurrentes dans le champ de la théorie politique, on constate que la pensée de Hobbes est souvent réduite à quelques formules lapidaires ou à quelques arguments sommaires. Hobbes appartient à cette catégorie de philosophes abondamment cités mais souvent méconnus. S’agissant de la théorie politique, la lecture que l’on en fait se focalise le plus souvent sur les chapitres du Léviathan ou Du Citoyen qui présentent l’état de nature ou les fondements de la souveraineté, mais sans tenir compte des principes et de la méthode qui sous-tendent le contractualisme hobbesien. Quant aux questions proprement juridiques (par exemple, sur l’interprétation des lois) ou théologico-politiques (sur les rapports entre l’Eglise et l’Etat), elles bénéficient rarement de l’attention qu’elles méritent. Il faut enfin reconnaître que même si n’importe quel manuel d’introduction à la philosophie ou d’histoire des idées politiques contient une partie consacrée à la pensée politique de Hobbes, la plupart de ses thèses sur le langage, la métaphysique ou la science demeurent souvent méconnues en dehors des spécialistes. Des pans entiers de l’œuvre de Hobbes sont ainsi occultés, alors qu’au XVII° siècle les réactions qu’il suscite parmi ses contemporains ne portent pas seulement sur la politique, mais aussi sur ses thèses matérialistes et déterministes ainsi que sur son interprétation de l’Ecriture (comme en témoignent les accusations d’athéisme ou d’hérésie).
Un des objectifs de cet ouvrage est de fournir au lecteur un ensemble de repères qui lui permettra de découvrir la pensée de Hobbes dans toute son étendue et dans toutes ses nuances. Il s’agit de guider le lecteur afin qu’il puisse parcourir « pas à pas » cette œuvre, en comprendre les thèses majeures et en saisir les enjeux. La philosophie, telle que la conçoit Hobbes, est une forme de connaissance rationnelle qui vise à expliquer les causes et les propriétés des « corps naturels » (philosophie naturelle) aussi bien que des « corps politiques » institués par les hommes (philosophie civile). Bien que portant sur des objets distincts, la philosophie présente une unité à la fois par ses principes et par ses méthodes. En concevant le projet des Eléments de philosophie, Hobbes envisage un exposé de sa pensée philosophique en trois sections principales : l’une sur la logique, la métaphysique et la philosophie naturelle ; la seconde sur l’homme et l’étude de ses différentes facultés ; la troisième sur la société politique et les devoirs citoyens. Ces trois parties correspondent respectivement au De Corpore (1655), au De Homine (1658) et au De Cive (première édition en 1641, seconde édition 1647). Dans un tel programme, la philosophie politique apparaît comme une partie de la philosophie et dépend en partie des sections qui précèdent. Dès lors qu’on connaît les mouvements des corps en général, on est en mesure d’expliquer les mouvements internes du corps humain, et donc la sensation, l’imagination et les désirs, ce qui permet d’élaborer une théorie des affects et des passions à partir de laquelle peuvent être analysées les relations humaines ; et, de cette anthropologie philosophique, se déduit rationnellement un ensemble de prescriptions (les lois naturelles) qui constituent les fondements du contractualisme hobbesien. De l’étude des corps en général à la théorie des corps politiques, il y a donc unité et continuité. Il nous apparaît essentiel de permettre au lecteur de pouvoir comprendre les différentes parties de l’œuvre de Hobbes et de saisir leurs relations mutuelles. Néanmoins, Hobbes accorde une certaine autonomie à la philosophie politique ; dans la préface du De Cive, il se justifie de publier la troisième section des Eléments de philosophie avant d’avoir rendu publiques les autres sections en avertissant son lecteur qu’il est tout à fait possible de comprendre son analyse des droits et des devoirs des citoyens même si on ignore sa philosophie première et sa philosophie naturelle.
Conformément à ce principe, nous avons choisi de suivre une présentation qui conserve, au moins en partie, la systématicité du projet hobbesien, mais dans laquelle chaque partie peut être lue indépendamment des autres. L’ouvrage s’organise donc en cinq chapitres qui portent respectivement sur la théorie de la connaissance de Hobbes et sur sa conception de la philosophie (chapitre I), sur la philosophie première et la philosophie naturelle (chapitre II), sur la philosophie morale (chapitre III), sur la théorie politique et juridique (chapitre IV) et enfin sur les questions religieuses (chapitre V). Ces chapitres peuvent être lus dans l’ordre ou de façon isolée. Dans l’introduction, nous rappellerons brièvement quelques éléments biographiques et bibliographiques qui sont également l’occasion de présenter le contexte dans lequel écrit Hobbes. Une certaine connaissance des circonstances historiques, des événements et des discours politiques qui caractérisent l’Angleterre du début de la première moitié du XVII° siècle nous paraît indispensable pour comprendre le sens et les enjeux des textes que nous présentons. Dans la conclusion, nous ferons une présentation non exhaustive des différentes lectures et interprétations qui ont pu être faites de l’œuvre de Hobbes, et de leurs répercussions dans la pensée politique contemporaine. Aborder Hobbes « pas à pas », c’est donc guider la lecture et la compréhension de ses textes, pouvoir les situer dans leur contexte, mais aussi repérer les usages et les lectures que l’on peut en faire aujourd’hui. »
Extrait de la Préface.

Christophe BEAL est agrégé et docteur en philosophie. Il enseigne en classes terminales et à l’université à Tours.

est professeur au Lycée Grandmont (Tours)
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